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Lotfi Jeriri : Marginalité ambiante

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Marginalité ambiante

Dans toute société, il y a des marginaux. Ils peuvent être débiles, philosophes, rebelles, bizarres, d’un comportement, d’une tenue, d’un langage et de manières extravagants. Ils peuvent être grossiers, mais aussi de gentils introvertis, qui vivent dans eux-mêmes, des démunis que la vie n’a pas gâtés au point qu’un jour, comme en signe de révolte, ils se mettent à l’écart du modèle sociétal pour annoncer leur désarroi et leur détresse. Il y a aussi les voyous. Ceux-là ils ne reposent sur aucune philosophie de la vie, mais n’ayant rien à perdre pour n’avoir jamais rien gagné, il s’activent dans la nuisance généralisée, dangereuse. Hors la loi, ils se mettent. La prison, ils connaissent. Les interpellations, leur lot quotidien qui donne à leur vie un sens, une saveur. Il y a aussi les consommateurs de drogue et les alcooliques qui à force d’addiction ils ont fini par péter les plombs, par perdre les pédales jusqu’à devenir des loques humaines, des SDF, des sans-abri, des repris de justice, des clochards vêtus de lambeaux.
Bref, les marginaux sont de facettes et de formes multiples. Parmi eux, on trouve également des sympathiques, des intelligents, des grosses têtes qui à cause d’un incident de la vie ont déraillé pour ne plus déceler ni voir, au point de devenir pour le commun des sensés que nous sommes (ou présumés être), insensés. Et puis, il y a encore les révoltés, ceux qui bouillonnent, qui débordent d’énergie sans trouver l’espace ni le moyen de la purger.

Dans toutes les sociétés du monde, et davantage dans les pays dits civilisés, les «marginaux» ne sont pas pour autant marginalisés. Des associations s’activent à les encadrer, à les soigner, à préserver leur dignité humaine, à les nourrir, héberger, les aider à surmonter leur handicap, leur fournir les moyens de subsistance, les éduquer s’il faut, les interner en cas de danger. C’est que, dans ces pays dits civilisés, tout être humain se doit de jouir de l’immunité humaine, celle qui assure et préserve sa dignité, loin des regards et dans la discrétion. Car il est du devoir de l’Etat de protéger la société, la mettant à l’abri des nuisances et autres dangers que ses marginaux risquent de lui causer, et du droit de ces marginaux d’accéder aux soins spécifiques, à l’encadrement approprié et au suivi médical jusqu’à la réhabilitation et la réinsertion sociale. Mais en aucun cas, l’Etat ou ses organes et autres médias ne font de ces marginaux un modèle à suivre ou des vedettes qui donnent l’exemple, car ils sont des marginaux dont l’écrasante majorité souffre d’une pathologie qui nécessite la discrétion loin des projecteurs des plateaux de télévision. Et donc faire l’apologie de la marginalité en en faisant une matière de divertissement et de distraction constitue plutôt un délit et une grave atteinte au rôle assigné à tout média appelé à rehausser le niveau du «consommateur» et le prémunir contre les risques et autres dangers de cette médiocrité ambiante qui l’entoure jusqu’à le submerger dans sa vie de tous les jours.

Or, il est un constat qu’en Tunisie post- révolution bouazizienne, les marginaux prennent le dessus sur et dans tout ce qui fait le quotidien des tunisiens. Outre les rappeurs qui, à l’origine ne sont que des marginaux, et qui envahissent de plus en plus les médias dans leur diversité au point qu’ils sont devenus des références visitant des écoles primaires pour initier les générations futures à la marginalité, il y a des voyous, des repris de justice, des anciens vendeurs illicites d’alcool et des narco trafiquants que l’on invite sur les plateaux pour débattre des problèmes du pays d’aujourd’hui et de demain. Ils sont devenus tellement populaires que des «politiques», pour augmenter leurs chances électorales, se prennent en photo avec eux. Vous avez aussi des marchands de légumes devenus subitement prédicateurs, et autres fraîchement barbus qui sont reçus par tous les honneurs et autres égards - dignes de leur statut de par la référence religieuse qu’ils incarnent -... au palais de Carthage.

En moins de deux semaines, en plus des invités de tous bords qui ont envahi mes soirées télévisuelles pour débiter toute sorte de mensonge, d’hypocrisie et de malhonnêteté criante, j’ai eu droit à travers des talk-shows en prime time à suivre Ahmed Satour et un certain Angour. Le premier est le plus grand menteur de tous les temps, et le second un grossier de la pire espèce connu pour ses vidéos... fécales. Ces deux-là et nombreux encore, on les présente au public comme des exemples, des références et des modèles pour un pays en pleine mutation, qui se cherche encore, et où les jeunes ont déjà perdu tous les repères à même de les guider vers le droit chemin, vers un avenir meilleur.

Ainsi va la vie en Tunisie du printemps de jasmin. Un samedi soir, à une heure de grande écoute, on préfère de loin inviter Ahmed Satour raconter son voyage au Paradis où il a eu droit à des sources de vin précieux, que recevoir un informaticien ou un génie en médecine ou en aéronautique par exemple.
Mais ceux-là n’intéresseraient pas grand monde et ne feraient pas le buzz n’étant que de simples... génies. En plus ils risquent d’être contagieux en donnant le mauvais exemple. Par contre El Angour est de loin plus intéressant et récoltera un meilleur taux d’audience. Tout le reste n’est que détails.

Que demande le peuple !

Lotfi Jeriri

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