Deux îles appartenant à l’Egypte depuis plus d’un siècle mais dont la souveraineté revient à l’Arabie Saoudite, selon un accord conclu entre les deux pays, vont-elles contraindre le pays le plus conservateur dans le monde musulman à normaliser ses relations avec l’Etat d’Israël du fait que ces iles inhabitées font partie des accords de paix entre le Caire et Tel Aviv appelés « accords de Camp David » et qui ont conduit à l’exclusion de l’Egypte de la ligue arabe en 1979. Riyadh, selon des sources informées, a assuré le Caire de sa volonté de respecter ces accords qui prévoient la présence des forces multinationales sur les iles et la liberté de navigation dans le Golfe d’Aqaba.
C’est au cours de la visite d’état du Roi Salmane d’Arabie Saoudite en Egypte en fin de la semaine dernière que l’accord sur la délimitation des frontières maritimes entre les deux pays a été signé. En vertu de cet accord l’Egypte cède à l’Arabie Saoudite les deux iles stratégiques de Tiran et Sanafir. Stratégiques, elles le sont ces iles, car elles contrôlent l’entrée du Golfe d’Aqaba et donc des ports israélien d’Eilat et jordanien d’Aqaba. La fermeture du détroit de Tiran par Gamel Abdel-Nasser avait provoqué la guerre de 1967 avec Israël qui les a occupées jusqu’au traité de paix avec Le Caire. Inhabitée comme Sanafir d’ailleurs, Tiran est occupée aujourd’hui par la Force multinationale et observateurs du Sinaï.
Selon les autorités égyptiennes, il s’agit d’une rétrocession et non d’une cession. D’après elles, Riyadh avait demandé en 1950 à l'Egypte « d'assurer la sécurité des deux îles », justifie le gouvernement égyptien dans un communiqué.
Un concert de protestations a accueilli la décision des autorités égyptiennes. Des juristes de renom et des anciens officiers supérieurs de l’armée ainsi que de simples citoyens ont contesté ce qu’ils considèrent comme une atteinte à l’intégrité territoriale de leur pays. Pour la Gauche, il s’agit d’un « territoire vendu contre un pont et des pétrodollars ». Selon certains juristes « l’accord est caduc sans référendum ».
Pour les opposants à cette cession, les deux îles de Tirane et Sanafir ont été reconnues comme égyptiennes dès 1906, donc bien avant la création du Royaume d’Arabie Saoudite, en vertu d’un accord de l’époque entre la Grande Bretagne et l’empire ottoman.
Un avocat égyptien Me Khaled Ali a déposé auprès du Tribunal administratif un recours en annulation de l’accord de délimitation des frontières maritimes entre le Caire et Riyadh. « Toutes les conventions signées prouvent que les deux iles sont la propriété de l’Egypte », selon cet avocat.
Selon le journal cairote Al-Ahram, Israël a été mis au courant de l’accord égypto-saoudien portant « rétrocession » des deux iles qui sont partie de l’accord de paix dit «accord de Camp David ». L’Arabie Saoudite, en reprenant les iles, accepte les dispositions de l’accord de paix notamment la présence des forces multinationales sur les iles et la liberté de navigation dans le golfe d’Aqaba. Mais la question qui se pose est la suivante : le parlement israélien devrait-il être saisi de l’affaire en vue d’une révision de l’accord de paix bilatéral en vue d’y inclure l’Arabie Saoudite. Alors cette dernière serait-il dans ces conditions de normaliser ses rapports avec Israël.
La visite a été couronnée par la signature d’une multitude d’accords portant sur des financements globaux de l’ordre de 16 milliards de dollars (soit plus que le budget annuel de la Tunisie), outre la construction d’un projet pharaonique, celui du pont sur la mer rouge reliant les deux pays.
Mais ce n’est pas le seul sujet de polémique à propos de cette visite. En effet, pour éviter de provoquer un « incident diplomatique » les autorités du Caire ont décidé de couvrir la statue équestre du Prince Brahim fils de Mohamed Ali le fondateur de l’Egypte moderne érigé sur la Place de l’Opéra qui se trouve sur l’itinéraire du cortège du souverain wahhabite en se rendant à la Mosquée Al-Azhar pour rencontrer le Grand Imam de cette vénérable institution de l’Islam sunnite. Cet épisode rappelle étrangement le comportement des autorités italiennes décidant de couvrir les statues sur le passage du président iranien Hassan Rouhani lors de sa visite officielle il y a quelques mois à Rome, selon les observateurs.
Raouf Ben Rejeb